DÉCRYPTAGE. Gouvernement Attal : Dati, Le Maire, Darmanin… les ministres qui s’en sortent et ceux qui sont en difficulté

  • L’omniprésence du Premier ministre Gabriel Attal, ici à la foire aux bulots de Pirou, réduit au silence une partie du gouvernement.
    L’omniprésence du Premier ministre Gabriel Attal, ici à la foire aux bulots de Pirou, réduit au silence une partie du gouvernement. AFP - DAMIEN MEYER
Publié le , mis à jour

l'essentiel Depuis l’arrivée de Gabriel Attal à Matignon, certains ministres comme ceux de l’Éducation et de la Santé, ont été dépossédés de leurs dossiers. D’autres ont simplement du mal à percer l’écran médiatique. Emmanuel Macron et son Premier ministre semblent plus que jamais seuls aux commandes.

C’est un exercice de style inédit le concernant. Depuis quelques semaines, Gérald Darmanin s’essaie à l’art du silence. Cette semaine encore, alors que la France entière apprenait, sidérée, le meurtre à Châteauroux du jeune Matisse, pas un mot du ministre de l’Intérieur qui a laissé le Premier ministre animer seul les consultations auprès des groupes politiques sur la question de la violence des mineurs. Idem après les occupations de Sciences Po et de la Sorbonne par des groupes de soutien à Gaza. Silence radio. L’autre ténor du gouvernement, son homologue de la Justice, est lui aussi étrangement silencieux. Certes, le locataire de la place Vendôme a accordé le week-end dernier une interview à La Tribune pour présenter son plan contre les narcotrafiquants. Mais à part cette annonce, rien. Tout juste l’a-t-on vu accompagner Gabriel Attal lors de certains déplacements. Images sans le son. Gérald Darmanin comme Eric Dupond-Moretti laissent le Premier ministre prendre seul la lumière et les micros.

Attal sur tous les fronts

Depuis qu’il s’est installé à Matignon, Gabriel Attal s’est approprié l’attention médiatique. Le 27 mars, c’est lui qui annonce au 20 Heures la réforme de l’Assurance-chômage. Catherine Vautrin, la ministre du Travail, n’a pas voix au chapitre. À lui le plan com', à elle la mise place des négociations avec les partenaires sociaux. Samedi 6 avril, devant les journalistes de la presse quotidienne régionale, dont La Dépêche du Midi, c’est lui encore qui dévoile les réformes de l’accès aux soins comme la fameuse "taxe lapin". Le ministre de la santé Philippe Valletoux reste dans l’ombre. Lorsque Gabriel Attal annonce à Viry-Châtillon son plan de lutte contre les mineurs délinquants, la ministre de l’Éducation Nicole Belloubet se tient derrière lui, silencieuse. Mise devant le fait accompli, elle n’a découvert certaines des mesures que quelques jours plus tôt. Enfin, le week-end dernier, lors de… la Foire aux bulots de Pirou, le locataire de Matignon vole la vedette à son ministre de l’Agriculture Marc Fesneau en assurant lui-même l’annonce de nouvelles dispositions afin de venir en aide aux agriculteurs. En s’appropriant ainsi un certain nombre de domaines réservés, le Premier ministre contribue à "invisibiliser" une partie de son gouvernement.

Où est passée Rachida Dati ?

Celui-ci a, en effet, bien du mal à exister d’autant qu’une autre partie de l’exécutif est éclipsée par l’hyperactivité présidentielle. Traditionnellement, le ministre des Affaires Étrangères est sous la tutelle du Président et Sébastien Lecornu sait que ses marges de manœuvre et sa présence médiatique sont conditionnées au bon vouloir de celui-ci. Emmanuel Macron a élargi son champ d’omniprésence médiatique au domaine sportif et Amélie Oudéa-Castera est de moins en moins audible à l’approche des Jeux Olympiques. Enfin, bien qu’en charge de domaines non investis par Matignon ou par l’Élysée et pourtant importants, certains ministres peinent toujours à s’imposer. C’est le cas, à la Culture, de Rachida Dati, habituellement plus prompte à investir les plateaux télé, mais aussi de Christophe Béchu à la Transition écologique et de Patrice Vergriete, pourtant chargé du dossier crucial des Transports. Tous à des postes clés, ces ministres sont presque transparents.

L’exception Le Maire

Depuis l’arrivée de Gabriel Attal à Matignon, le gouvernement ressemble plus que jamais à une armée de collaborateurs sans capacité d’initiative. Peu nombreux sont ceux qui échappent à cette relégation. Bruno Le Maire s’invite régulièrement dans les médias au risque d’agacer le Président. En effet, entre Bercy à l’Élysée, il y a souvent de la friture sur la ligne comme le prouvent les récentes tensions autour de l’idée d’un budget rectificatif avant l’été. Défendu par "BLM", le chef de l’État y est hostile. Le ministre de l’Économie a aussi été accusé par l’Élysée de créer un climat anxiogène en mettant en garde contre les dangers d’un budget déficitaire. Moins connu, le ministre du Logement Guillaume Kasbarian a lui aussi réussi à exister en annonçant la fin du logement social à vie. La ministre des Outre-mer Marie Guévenoux a pour sa part tiré parti de la toute nouvelle discrétion de Gérald Darmanin. À elle la gestion du dossier Mayotte et la médiatisation de l’opération Place nette visant à lutter contre l’immigration illégale et la délinquance. Enfin Stanislas Guerini, le ministre de la Fonction publique, a aussi eu son moment de gloire médiatique en annonçant la fin de l’emploi à vie pour les fonctionnaires qui ne font pas leur travail. Son projet de loi, qui sera présenté à l’automne au Parlement, devrait être une nouvelle occasion de prendre la parole dans les médias.

Reste que quatre ministres ou ministres délégués visibles sur 29, c’est bien peu. Président et Premier ministre saturent la bande passante. Jupiter n’a pas disparu, il s’est seulement dédoublé.